Conçue entre 1963 et 1966, l'Église Sainte-Bernadette du Banlay à Nevers matérialise la coïncidence de deux recherches : le travail « archéologique » de Paul Virilio sur les bunkers du mur de l’Atlantique (Bunker Archéologie, 1958-1975) et la recherche de Claude Parent sur la critique du plan moderne par l’exploration de la cassure et du basculement. L’église du Banlay affirme la fracture de deux lourdes masses s’élevant en porte-à-faux sur un pilier central qui en constitue le point d’articulation. Pour Parent, c’est une « faille ». Élément déterminant dans l’élaboration du projet, la fracture permet de repenser, dans une même tension, l’unité dans la discontinuité de l’espace. Destiné à Bernadette Soubirous, l’édifice se veut également transcription architecturale de la grotte où la Sainte eut ses apparitions. « Espace cryptique », véritable carapace monolithique et totalement étanche, Sainte-Bernadette frappera les esprits d’une époque encore marquée par la Seconde Guerre Mondiale, terrorisée par la guerre froide et par la menace nucléaire. Dans Bunker Archéologie, Virilio évoque à propos de ces « autels de béton dressés face au vide de l’océan marin », l’architecture funéraire des mastabas et des tombes étrusques. Il poétise leur attente immobile, relève le caractère anthropomorphique de ces silhouettes chavirées. Sainte-Bernadette est un espace sacré au sein duquel le langage militaire s’établit dans le paradoxe : le bunker comme figure de l’oppression et du refuge, la grotte comme incarnation de l’origine de l’humanité mais aussi de la tombe, l’Eglise comme symbole de l’introspection et de l’ascension vers la lumière.