Chrystèle Lerisse (née en 1960) commence à utiliser la photographie au titre du reportage ou au service du monde du spectacle. La création et la tenue d'un atelier-magasin à Sainte-Maure de Touraine la mettent sur la voie du photographe d'art professionnel. Les 5 tirages en noir et blanc acquis par le FRAC Centre traitent de manière privilégiée le motif de la roche, époque de la rencontre physique de l'artiste avec la pierre et de ses débuts dans une nouvelle démarche photographique. Loin d'études documentaires du monde minéral, ces images frontales de calcaires sont privées de leur contexte et saisies hors de toute notion d'échelle, sans ligne d'horizon. Elles dévoilent une ambiguïté de perception de ces surfaces : pierre ou peau ? Ce caractère sensuel et ambivalent se retrouve dans des travaux sur la peau humaine dans lesquels Chrystèle Lerisse explore des arcanes de la chair. Dans le cadrage des plis, des dénivellations et des aspérités, qu'il s'agisse de détails minéralogiques, corporels ou de fibres et de muscles de quartiers de bœuf, c'est toujours une même logique qui cherche à mettre en évidence ce qui ne se livre jamais immédiatement, une autre face des apparences. La photographe est ensuite passée de l'observation des surfaces de viande à celle de l'eau des rivières pour aller scruter enfin la pigmentation du brouillard sur le paysage. Tendues comme des voiles, les photographies de Chrystèle Lerisse font paradoxalement la preuve d'une acuité visuelle très grande sur le réel. L'œuvre de Chystèle Lerisse, lauréate du Prix de la Fondation Angénieux en 1990, est régulièrement montrée en France, en Europe, aux États-Unis et en Asie.
Nadine Labedade