Penseur, artiste, auteur de nombreux essais et films expérimentaux, Guy Debord développe dès les années 1950 une critique virulente de la culture contemporaine, notamment de la notion de « spectacle », dont la charge révolutionnaire et l’originalité inspirent aujourd’hui encore les réflexions politiques, esthétiques, architecturales et urbanistiques les plus radicales et les plus innovantes. Influencé par le marxisme et le dadaïsme, Debord rejoint au début des années 1950 le mouvement lettriste fondé par Isidore Isou, dans le but avoué de parvenir à un dépassement de l’art. Comme le veut l’usage lettriste, il se choisit un deuxième prénom, Ernest, qu’il accolera au premier jusqu’en 1964. Son intransigeance et sa détermination à dissoudre l’art dans la vie aboutissent à la création en 1952 d’une dissidence, qui prend le nom évocateur d’Internationale Lettriste. Avec d’autres membres, Debord développe alors ce que deviendront les concepts phares du situationnisme et livre une approche inédite de la ville, que Constant illustrera avec son projet New Babylon (1956-1974). Il en appelle à la création d’une nouvelle science, la psychogéographie, « étude des lois exactes et des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus » et rendus intelligibles par la dérive, « technique du passage hâtif à travers des ambiances variées ». La découverte de ces lois psychogéographiques participera de l’élaboration d’un urbanisme unitaire, auquel contribueront tous les arts, qui établira le cadre d’un comportement ludique et favorisera la construction de situations. L’évolution idéologique de l’Internationale Lettriste, les excommunications répétées qui en sapent les rangs ainsi que la rencontre de nouveaux compagnons conduisent en 1957 à la fondation, avec le Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste et le Comité psychogéographique de Londres, de l’Internationale Situationniste, qui sera à son tour dissoute en 1972.
Autodidacte, Guy Debord est l’auteur d’ouvrages (La société du spectacle, 1967 ; Panégyrique, 1992…) et de plusieurs films expérimentaux (Hurlements en faveur de Sade, 1952 ; Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps, 1959 ; In girum imus nocte et consumimur Igni, 1978…). Il a rédigé ou co-signé les manifestes et la plupart des principaux articles de l’Internationale Lettriste et de l’Internationale Situationniste, dont il a dirigé la revue éponyme de 1958 à 1969. Guy Debord s’est suicidé le 30 novembre 1994.
Gilles Rion