Après quatre années au sein de l’agence SANAA, l’architecte japonais Junya Ishigami (1974) fonde junya.ishigami+associates en 2004. Il s’emploie depuis à redéfinir les limites de l’architecture au travers de projets construits et théoriques, d’installations, de dessins ou d’objets de design. Plus que de l’architecture même Ishigami conçoit des environnements, où celle-ci serait omniprésente et se confondrait avec la nature dans un double mouvement d’indifférenciation. Les serres d’Extreme Nature (Biennale de Venise, 2008), élevées parmi les plantes du jardin du pavillon japonais, jouent sur la perméabilité des espaces intérieurs et extérieurs, qui acquièrent un statut équivalent et ambigu. Ishigami convoque cette nature nécessairement artificielle comme image, comme métaphore ou comme processus pour redéfinir l’architecture et les usages quotidiens. Montagnes, horizons, lacs ou tracés urbains deviennent des matériaux, à l’image des gouttes de pluie qu’évoquent les colonnes d’Architecture as Air (Lion d’or de la Biennale de Venise 2010). Parmi les 58 typologies hybrides présentées dans l’exposition itinérante How Small? How Vast? How Architecture Grows (2010-2013), les Windy House et House of Rain usent pour leur part du bâti comme catalyseur de phénomènes climatiques, afin d’assurer des conditions thermiques optimales ou, selon Ishigami, pour le simple plaisir d’entendre le bruit de la pluie. Ce travail interroge la notion d’échelle et le potentiel offert par le dépassement des hiérarchies traditionnelles. Les proportions du bâti, de la structure ou de l’objet se trouvent transformées par ce travail de confrontation constante avec l’environnement : une table peut ainsi avoir la souplesse d’une feuille de papier (table Neo pour un restaurant, 2004) et un édifice croître au point de devenir paysage. Dans la tradition japonaise contemporaine, cette recherche poétique s’appuie sur une expérimentation structurelle poussée, qui fait tendre le bâti vers la finesse des dessins d’Ishigami, où l’architecture tient en quelques traits. C’est le cas notamment de Space for your Future (2007) ou du KAIT Workshop (2011), récompensé par le prix de l’Institut japonais d’Architecture. En 2011, Ishigami a été lauréat du concours pour la réhabilitation du Musée polytechnique de Moscou, en collaboration avec ARUP.
Emmanuelle Chiappone-Piriou