Originaire de Pologne, Mathias Goeritz obtient un doctorat en philosophie et histoire de l’art à Berlin en 1937. Différents voyages en Europe l’imprègnent dans sa jeunesse du langage des avant-gardes, de Dada au surréalisme et de l’expressionnisme au Bauhaus. En 1940, il s’installe au Maroc puis en Espagne (1945) où il fondera l’école D’Altamira en 1948. En 1949, il s’installe au Mexique, qu’il ne quittera plus. Entre sculpture et architecture, peinture et poésie, philosophie et critique des courants esthétiques de son temps, Goeritz fonde l’expérience esthétique sur la nécessité d’une « élévation spirituelle ». Celle-ci sera théorisée en 1952 par le « Manifeste de l’architecture émotionnelle », l’un des premiers textes appelant à un dépassement fondamental des préceptes fonctionnalistes. Puisant dans l’histoire, dans la culture, mais aussi dans l’échelle même du territoire mexicain d’inépuisables sources d’inspiration et d’expérimentation, Goeritz démontre par ses dessins, ses sculptures et ses constructions architecturales un pouvoir d’invention, capable de synthétiser et dépasser l’esprit des avant-gardes dans une compréhension « locale » teintée de primitivisme ; capable aussi d’anticiper « depuis le Mexique » certaines tendances émergeant au cours des années 1960 en Europe et aux États-Unis – comme l’architecture-sculpture, théorisée par Michel Ragon en 1963, le Land art ou l’art minimal américain, pour lesquelles Goeritz fait figure de pionnier. Le Musée Expérimental ECO (1953), les Tours de la Cité Satellite (1957, collaboration Luis Barragan et Mario Pani), La Route de l’Amitié (réunissant à l’occasion des J.O. de 1968, 20 sculpteurs internationaux pour concevoir un parcours de sculptures à l’échelle de la ville), ou le projet de l’Espacio Escultorico (sur le campus universitaire de l’UNAM, 1978-1981), restent les projets « d’architecture-sculpture » parmi les plus célèbres d’Amérique latine.