Reconnu internationalement pour son travail d'architecte, de théoricien et d'enseignant, Peter Eisenman s'est imposé dans les années 1980 aux États-Unis comme la figure majeure de la déconstruction en architecture. Son approche singulière du projet, qui vise la disjonction entre la forme, la fonction et la signification, intègre de manière explicite un questionnement d'ordre théorique. Les rapports culturels forts qu'il a entretenus avec des intellectuels européens, Colin Rowe, Manfredo Tafuri et Jacques Derrida, ont profondément marqué ses écrits tout autant que ses productions architecturales. Le langage et le parallèle constant qu'il établit entre la philosophie, la linguistique et l'architecture fondent une démarche d'une extrême rigueur, démarche qui, sous un angle critique, repense l'architecture dans son histoire, son fonctionnement et ses limites. Pour Eisenman, il s'agit de faire de la culture la matière première du projet afin de sortir l'architecture de l'hégémonie du visuel et du dogmatisme moderne. Cette « pratique théorique » qui définit son approche, le conduit à aborder le projet à partir d'une nouvelle syntaxe : les notions de « texte », de diagramme, de greffe, de trace, de superposition, d'espace interstitiel, etc. le conduisent à inventer des configurations spatiales susceptibles d'intensifier l'expérience que l'usager fera du bâti, tant d'un point de vue spatial que temporel. Parmi ses projets majeurs figurent le Centre Aronoff (1988-96), le Greater Columbus Convention Center (1990-93), le Musée de Staten Island (1997-2001), le Jardin des pas perdus (2003) au Musée de Castelvecchio à Vérone, le Mémorial aux Juifs européens assassinés à Berlin (2005). Il travaille au projet de la Cité culturelle de Galice à Saint-Jacques de Compostelle et à celui de la gare de Pompéi.
Actuellement professeur à l'université de Yale, membre de l'académie américaine des arts et des sciences et de celle des arts et des lettres, Peter Eisenman a reçu le Lion d'or de la Biennale de Venise en 2004 pour l'ensemble de sa carrière. Fondateur en 1967 de l’Institute for Architecture and Urban Design (IAUS) qu’il préside jusqu’en 1982, représentant des États-Unis avec Frank Gehry à la Biennale de Venise en 1991 et rédacteur en chef jusqu'en 1982 de la revue Oppositions, Peter Eisenman a rédigé de nombreux ouvrages théoriques. Au moment de l’exposition Deconstructivist Architecture organisée au MoMA à New York en 1988, Peter Eisenman a déjà derrière lui une longue carrière de théoricien et d’enseignant. Membre du groupe des New York Five, il a développé une approche radicalement conceptuelle de l'architecture au travers, notamment, d’une série expérimentale de treize maisons individuelles au sein desquelles il tentait de rendre compte de la capacité de la géométrie seule à définir l’espace.
Nadine Labedade